Notre périple en Colombie britannique se poursuit désormais vers le sud. Sous un léger crachin à rendre jaloux un Ecossais, nous descendons l’unique ruban d’asphalte bordant les Kitimat Ranges. Petites sœurs des Boudary Ranges plus au Nord, ces montagnes sauvages longent elles aussi le Pacifique sur plus de 300 km. La tête dans les nuages, nous n’en verrons guère la couleur… Ne pouvant profiter des sommets à leur juste valeur, nous nous rabattons sur les vallées verdoyantes. Au sud de l’industrielle Terrace, la forêt humide côtière s’est immiscée à l’intérieur des terres et resplendit de partout… A hauteur du Lakelse Lake, les chemins de randonnée invitent à la découverte de ce biotope incroyable.
Protégés par le couvert des cèdres centenaires, des pruches et des épinettes de Sitka, nous évoluons dans un univers enchanteur, où la végétation explose de toute part. A l’entrée de ce nouveau monde, lupins et rosiers arctiques nous accueillent de leur couleur étincelante.
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Si au sol fougères, bois piquants et lysichitons américains se livrent une âpre bataille, plus haut dans la strate supérieure, des rideaux de mousse parent les branches sèches et nues des colosses végétaux.
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En chaque recoin où porte le regard, des cimes au sol, étincèle ce vert flamboyant, contrastant à l’extrême avec la grisaille des cieux. Une féérie pour les yeux, un enchantement pour les autres sens… Loin de tout, seuls dans cette Nature exubérante et enivrante, nous nous laissons bercer par le Williams Creek qui serpente nonchalamment sous la sylve. Avec pour seuls compagnons les douces complaintes de ce ru forestier et les senteurs du sous-bois, nous débouchons bientôt sur une plage improbable, sur les rives du Lakelse Lake. Dans un silence de cathédrale, le panorama s’ouvre alors sur les collines verdoyantes où s’accrochent encore ici et là les brumes du matin…
Après avoir longuement profité de l’endroit, nous poursuivons notre route en direction de Kitamaat Village. A quelques 5 kilomètres au Sud de Kitimat, cité ouvrière née dans les années 50 lors de la création d’une centrale hydroélectrique pour alimenter une gigantesque aluminerie, Kitamaat est un havre de paix isolé de la fureur des hommes par le Kitimat Arm.
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Siège de la nation Haisla, ce paisible village de pêcheurs s’avère également un petit paradis ornitho où nombre d’espèces trouvent refuge. Ici, martins-pêcheurs d’Amérique (Megaceryle alcyon) et plongeons du Pacifique (Gavia pacifica) pêchent en toute quiétude dans les eaux calmes jouxtant le minuscule port de pêche.
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Quelle bonne surprise que d’y découvrir également notre première mouette de Bonaparte (Chroicocephalus philadelphia) à proche distance du rivage !
Un peu plus loin, dans la Minette Bay (extrémité septentrionale du Canal Douglas débouchant 90 km plus loin dans le Pacifique), se trouve une zone humide jonchée de souches et d’arbres morts. Ce triste spectacle est sans doute le fruit d’une exploitation forestière utilisant le canal pour transporter sa funeste besogne vers l’océan… Petit lot de consolation, de nombreux pygargues à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus) ont trouvé ici des perchoirs idéaux pour scruter leur zone de pêche favorite !
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Face à eux, les plongeons imbrins (Gavia immer) ne sont pas en reste et nous gratifient d’un balai aquatique tout en grâce et en délicatesse.
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Poursuivis par une horde de moustiques affamés, nous laissons nos amis imbrins derrière nous et repartons en sens inverse, en direction de la magnifique Skeena River que nous avions enjambée à Terrace. Se laissant porter par la douce Skeena, la route nous entraîne nonchalamment vers le Pacifique. Lentement mais sûrement, le lit de la belle s’étale de plus en plus et bientôt des myriades d’îlots recouverts de conifères sortent des eaux, façonnant un labyrinthe aquatique incroyable. A hauteur de la rencontre de l’Exchamsiks River avec sa grande sœur Skeena, troglodytes de Baird (Troglodytes pacificus) et tarins des pins (Spinus pinus) nous rendent une visite fort appréciée, fugaces rayons de soleil dans la grisaille du moment.
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Les nimbes ayant décidé de nous draper de leur voile cotonneux la journée durant, nous évoluons dans un paysage nébuleux, propice à la flânerie et la contemplation.
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Alors qu’une femelle de harle bièvre (Mergus merganser) rase la surface de l’eau face à nous, sur l’autre rive, les sommets verdoyants se dévoilent au gré des trouées nuageuses. Un couple de canards souchets (Spatula clypeata) s’active sur la berge tandis qu’une corneille d’Alaska (Corvus caurinus) vient jeter un œil curieux aux étranges visiteurs que nous sommes.
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Nous poursuivons toujours plus à l’Ouest, les îlots ont désormais disparu, la petite Skeena a pris de l’assurance et engloutit désormais le paysage sur plus de 2 km de large. Le Pacifique n’est désormais plus très loin lorsque nous bifurquons une dernière fois à l’intérieur des terres en direction de l’île Kaien, notre destination. D’une superficie de 45 km2, ce bout de terre est relié au continent par le Galloway Rapids Bridge par lequel nous arrivons. 3 km vers le sud-ouest, un autre pont, celui-ci ferroviaire, est à l’origine de Prince Rupert, la seule ville de Kaien et second plus grand port en tonnage de l’Ouest canadien après celui de Vancouver (et troisième du Canada derrière Montréal). C’est au tout début du siècle dernier que fut décidé de faire déboucher ici, sur le Pacifique, l’immense chemin de fer du Grand Trunk Pacific, long de 4800 km au départ de Winnipeg (Manitoba). Avec ses eaux profondes protégées des fureurs du Pacifique par les nombreuses îles environnantes, l’essor du port suivit rapidement.
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Servant aujourd’hui pour le fret, la pêche et les rotations en ferry vers l’Alaska tout proche, ce charmant port niché entre les montagnes boisées et une myriade d’îles vierges connaît une très belle prospérité. Il faut dire que l’endroit a beaucoup d’atouts pour lui, à commencer par la beauté des environs ! Enchâssé entre les montagnes boisées qui recouvrent chaque parcelle de terre émergée, protégé des éléments par un dédale de bras de mer où le regard se perd, la magie opère vite, très vite.
Et d’autant plus facilement que l’intégration de la petite cité portuaire dans le paysage est plutôt une réussite. Ici, la Nature n’est jamais bien loin, elle frappe même aux portes de la ville !
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Cerise sur le gâteau, l’endroit est propice à bon nombre d’espèces remarquables, que ce soit sur terre, dans les airs ou dans l’eau. Avec ses îles vierges à foison, ses eaux poissonneuses et ses forêts denses encore préservées, les alentours de Prince Rupert sont le refuge idéal pour nombres d’espèces animales, grizzlys (Ursus arctos horribilis), pygargues à tête blanche, baleines à bosse (Megaptera novaeangliae), épaulards (Orcinus orca), marsouins communs (Phocoena phocoena), phoques communs (Phoca vitulina)…
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Nul besoin de s’aventurer bien loin pour se retrouver en pleine Nature. A moins de 5 km de Prince Rupert se trouvent notamment les Butze rapids, une série de rapides dont le sens s’inverse à chaque marée.
Il s’agit d’un phénomène naturel créé au niveau de l’étroite passe de Fern séparant l’île de Kaien du continent. Le flux et le reflux de la marée dans la passe inverse donc le sens des rapides. Une sympathique randonnée en boucle permet de contempler ce phénomène (selon les heures des marées) et de s’imprégner de la beauté des lieux.
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Ici comme ailleurs sur l’île, les possibilités d’observer le pygargue à tête blanche sont nombreuses. Mais d’autres espèces inféodées aux milieux boisées sont également bien présentes comme le geai de Steller (Cyanocitta stelleri), le troglodyte de Baird ou encore le pic chevelu (Leuconotopicus villosus).
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Pour ce dernier, le ballet d’un couple au nid pour nourrir ses petits restera un superbe souvenir !
Nous quittons Kaien Island après une longue halte au magnifique Butze Point. Face à nous, eh oui, la mer ! Un bras étroit qui s’engouffre avec le panache d’un fleuve au milieu des collines boisées, formant ici et là des confettis émergés où s’accrochent quelques arbres bien téméraires. Le soleil déchire désormais les nuages et nous transporte vers d’autres horizons, demain la mer improbable sera déjà loin…
Merci pour ces magnifiques photos.
Merci beaucoup Dominique. Toutes mes excuses pour mon retour plus que tardif.
Au plaisir de vous lire.
Sébastien
Pas de problème pour le retard… 😊
Bonjour Sébastien, ravie de lire et de voir à nouveau tes périples de voyage ainsi que tes superbes photos ! Merci pour le partage ! J’aimerais beaucoup découvrir la Colombie Britannique un jour.
Bonne journée ! Salutations du Québec 🙂
Merci beaucoup Céline, ravi de te lire également et sincèrement désolé pour mon retour avec ce très gros décalage horaire… La Colombie britannique est un territoire magnifique, sauvage au possible et avec une faune et une flore vraiment incroyables ! Cerise sur le gâteau, les Britanno-colombiens sont vraiment sympathiques, de très bons souvenirs 🙂
Bon week-end à toi et salutations de Bretagne 😉
Amitiés
Sébastien